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soirée d'hommage à François Della Sudda

C'est avec une double casquette - ex-militant du PSU et militant de l'AFPS - que je parlerai ce soir de François della Sudda qui a été pour moi non seulement un camarade mais un ami très proche.
Mon propos principal est de démontrer son rôle central dans la constitution d'un mouvement large de solidarité avec le peuple palestinien, probablement le plus structuré d'Europe.
Le mouvement initial a été lancé dans le cadre du PSU en 1970 dont François était membre depuis début 1967 (dans les Yvelines), après son retour du Maroc et d'Algérie ce qui lui valut d'être sollicité sur les questions de coopération par le Cedetim.
L'année 1967 c'est évidemment celle de la guerre des Six jours qui surprend le PSU en plein congrès. Evénement crucial qui fait découvrir la situation au Moyen-Orient à l'ensemble du PSU, avec l'occupation israélienne non seulement de la Cisjordanie, de Gaza, de Jérusalem-Est mais aussi du Golan syrien et du Sinaï égyptien. C'est le début des colonies de peuplement, c'est la résolution 242 du Conseil de sécurité qui demande le retrait des territoires occupés et qui ne fut jamais respectée par Israël.
Le PSU quant à lui, a des liens étroits avec un parti socialiste de gauche israélien, le MAPAM, alors favorable à un état binational et qui intègre un assez grand nombre d'Arabes israéliens. Ce parti s'oppose à l'administration militaire imposée aux " Palestiniens de l'intérieur ". Mais après la guerre de 67 il fait parie d'un gouvernement d'union nationale et en 1969 il rejoint le parti travailliste de Ben Gourion, le MAPAÏ, et s'aligne de fait sur sa politique. Ce sera la rupture avec le PSU. Le contact est alors pris avec le Matzpen, organisation antisioniste israélienne, dont le représentant en France est Elie Lobel que François rencontre au siège du PSU (rue Mademoiselle) ou rue Notre-Dame des Champs où siège le Cedetim. Les informations qu'il reçoit en outre à la Commission internationale du PSU lui servent de référence. D'autant qu'à cette période le PSU fait un énorme effort d'information et de formation militante dans la région parisienne : Un PSU-Documentation (" La lutte du peuple palestinien et la question du Moyen-Orient ", un dossier spécial " Pour une Palestine unifiée ", articles dans Tribune socialiste, participation à des colloques à Alger, au Koweit, contacts entre la GUPS (étudiants palestiniens) et les ESU qui vont dans les camps palestiniens en Jordanie). En 1970 les fedayins sont en effet, installés en Jordanie dans de nombreux camps d'entraînement et Hussein qui, de fait, se sent menacé, décide la liquidation de ces camps : ce sera Septembre noir, les combats sont très violents, des milliers de fedayins sont tués .
François déclara plus tard à un étudiant qui travaillait sur le PSU et la question palestinienne : " J'ai découvert la tragédie palestinienne avec les événements de Jordanie. J'ai été profondément marqué par les témoignages désespérés de nombreuxPalestiniens que j'avais recueillis Il fallait que le PSU agisse. On a donc décidé avec Heurgon de faire tout ce qui était en notre pouvoir pour les aider ".
La Maison du Maroc , François della Sudda et la Palestine

Je reprends ici un récit fait par François à l'occasion d'une réunion organisée au cinéma La Clef par les Amis de tribune socialiste en Novembre 2003
" Pour bien comprendre les initiatives qui vont être prises, je rappelle que, à Paris, à la maison du Maroc, dont j'étais directeur, depuis quelques mois étaient hébergés clandestinement, aves l'accord du comité es résidents et le mien, donc avant septembre noir, deux militants palestiniens, Mahmoud Hamshari et Ezzedine El Kalak. Ce sont les deux futurs représentants de l'OLP à Paris, qui seront tous les deux assassinés et qui sont à Paris pour établir la représentation officielle de l'OLP en France, donc avec une mission quasiment officielle, ce ui veut dire qu'ils étaient clandestins à la maison du Maroc, personne ne savait qu'ils étaient là pour des raisons évidentes de sécurité et plus généralement politiques ; en revanche le gouvernement français, le ministère de l'intérieur et notamment le ministère des affaires étrangères connaissaient leur existence puisqu'ils avaient tous les deux des contacts avec ces instances gouvernementales.

Quand commencent les affrontements en Jordanie, je ne suis pas étonné que Mahmoud et Ezzedine viennent me trouver en me demandant i nous pouvions les laisser utiliser les parties communes de la maison pour organiser l'information et tout ce que l'on peut organiser dans ce genre de situation, ce qui se fait avec l'accord du comité des résidents, le soutien du PCML, le parti communiste marxiste-léniniste dont l'animateur principal est Gilbert Mury et;e soutien de la section PSU de la cité universitaire dont je fais partie. Vont alors se succéder des collectes de sang, de vêtements, de médicaments, on y organisera des meetings et on y développera les actions d'information et de mobilisation que vous pouvez imaginer ".
L'affaire du drapeau palestinien
" Et je ne résiste pas au plaisir de raconter un fait qui n'était que symbolique, mais qui a eu une portée dans la maison à cette époque : nous avions décidé d'un commun accord (je crois que c'est plutôt à l'initiative de militants français dont j'étais, mais avec l'accord de nos amis palestiniens) de hisser sur la hampe prévue pour le drapeau marocain, le drapeau palestinien, ce qui fait que le drapeau palestinien a flotté devant la maison du Maroc pendant plusieurs semaines, une vingtaine de jours, au moins malgré les exigences de la direction de la Cité, qui souhaitait que ce drapeau soit enlevé. Je trouvais chaque jour une explication, une justification pour qu'il puisse rester en place. Finalement Mahmoud Hamshari est venu me voir un matin dans mon bureau en me disant : "Les affaires étrangères m'ont alerté sur la présence de ce drapeau, ils souhaitent que ce drapeau soit enlevé, ils n'arrivent pas à obtenir de toi que tu l'enlèves, moi, Palestinien, je te demande d'enlever ce drapeau ", donc à ce moment -là, je l'ai enlevé ".

Le Bureau d'Aide à la Résistance Palestinienne

Dans la vision stratégique du PSU l'OLP et le PSU se situent sur des fronts différents mais mènent un combat complémentaire avec un objectif commun : l'éradication de l'impérialisme. En France ce sont les travailleurs immigrés, essentiellement les ouvriers arabes, qui, avec les travailleurs français, font partie du prolétariat international et doivent mener ensemble des actions communes dans des comités Palestine contre la xénophobie et le racisme. Dès Septembre 1970 le PSU envoie un message au Comité Central de la Résistance Palestinienne dans lequel il annonce " qu'il participera en accord avec les autres courants révolutionnaires de France, la coordination de la solidarité du peuple français envers la résistance palestinienne. Il fera connaître la signification de votre lutte, face à la coalition des forces impérialistes et à l'attitude complice des grandes puissances. Vive la Résistance Palestinienne ! Vive la solidarité internationale des peuples contre l'impérialisme ! "

Dans la foulée Marc Heurgon et François lancent le BARP, Bureau d'Aide à la Résistance Palestinienne. Plusieurs membres du BN du PSU -Heurgon, Béhar, Bridier - y participent aux côtés des organisations françaises d'extrême-gauche - maoïstes et troskystes et …Jean-Edern Hallier. François assurera le secrétariat tout le temps de son existence, il en sera aussi, de fait le trésorier officiel. Il est alors soutenu par le premier représentant de l'OLP en France, Mahmoud Hamshari qui l'envoie à Vienne pour un colloque important sur la Palestine.

En septembre 1970 , à partir du BARP, a lieu le premier grand meeting sur la Palestine à la Mutualité. François della Sudda y parle à côté des organisations d'extrême-gauche , il ne se présente pas comme PSU mais tout le monde sait qu'il est l'animateur PSU du BARP à l'origine du meeting.
" Tribune socialiste " ,24 septembre 1970 ,rend compte ainsi de ce meeting " historique " :
" L'enjeu réel du conflit au Moyen-Orient venant d'être brusquement dévoilé devant l'opinion publique, il ne faut pas s'étonner que la grande salle de la Mutualité ait été entièrement remplie, à l'appel de la GUPS (Union générale des Etudiants Palestiniens) et de toutes les organisations d'extrême-gauche.
De nombreuses informations furent données à l'auditoire, tant sur le travail pratique de a révolution dans les masses palestiniennes que sur la résistance victorieuse des Palestiniens aux troupes d'Hussein.
Un appel a été lancé pour la multiplication des comités e soutien à la résistance palestinienne dans les quartiers et dans les entreprises.
Le Secours Rouge a également appelé à la collecte de sang de médicaments et d'instruments chirurgicaux. Les dons en sang peuvent se faire à l'hôpital Bichat. Les fournitures médicales (antibiotiques, analgésiques, sulfamides, trousses chirurgicales, matériel de suture et de pansement, sérum antitétanique, coton, désinfectants, etc.) peuvent être envoyés au Croissant Rouge palestinien, Maison du Maroc, 1,bd Jourdan, Paris-14, qui les acheminera.
L'aide financière peut être envoyée au Secours Rouge Palestine, CCP Louise Lemée, 46-41-25 Paris, 5,rue Gutemberg (15è) "
Avec François et le BARP le rôle central du PSU dans cette première initiative est clair ; il faut y ajouter le rôle de Marcel-Francis Kahn (un des fondateurs de l'AMFP- Association médicale franco-palestinienne à ce moment) à l'hôpital Bichat pour le rassemblement du matériel médical et aussi de Louise Lemée amie personnelle de Marc Heurgon pour la collecte d'argent.

Le BARP se dissoudra fin 1971 et laissera la place à un comité de soutien à la Résistance Palestinienne et bientôt au Comité national Palestine (CNP), avec le soutien d'Ezzedine Kalak devenu représentant de l'OLP après l'assassinat de Mahmoud Hamshari. Jusqu'en 1982 avec la guerre du Liban, il y aura de nombreux meetings et manifestations. Après une période où prévaut un sentiment d'échec, la fin des années 1990 connaît une relance de la mobilisation. En 2001 les deux associations survivantes du mouvement (AMFP, AFP) fusionnent pour fonder l'AFPS dont je deviens président. C'est alors que François me fait part de sa très grande satisfaction et me propose d'organiser ensemble avec le soutien des comités Palestine de la région parisienne un grand meeting de lancement à la Mutualité. L'objectif politique est de soutenir les parlementaires européens qui ont fait adopter une résolution demandant la suspension de l'accord d'association entre l'UE et Israël. C'est lui, au nom de la Ligue des droits de l'homme, qui parvient à s'assurer la Mutu après une série de démarches que seul il pouvait mener à bien. Finalement sous la présidence de Madeleine Rébérioux on réalise autour de Leila Shahid un plateau exceptionnel réunissant des députés UMP, PS (Manuel Vals!) et PC et l'eurodéputée LCR Roselyne Vachetta avec de nombreux messages internationaux. On lance le boycott des produits israéliens des colonies pour lequel on obtient le soutien de Gush Shalom d'Uri Avneri. Deux ans après, évoquant ce meeting, François se souvient : " Nous avions conscience que cela faisait de très nombreuses années que nous ne nous étions retrouvés à la Mutualité qui était un petit peu notre lieu de rassemblement . " Ce meeting, auquel beaucoup ne croyaient pas, fut un moment fondateur du nouveau mouvement pour la Palestine. Il constitue pour moi un souvenir marquant. Dès lors François m'accompagna dans mes contacts politiques, me faisant bénéficier des son expérience. C'est ainsi qu'il m'emmena voir le responsable international du PS, Jean-François Nallet, qui fut ouvert à notre discours. Il me fit aussi rencontrer des personnalités " improbables " comme Michèle Alliot-Marie - imbuvable... et Jean François Copé qui fut correct … Et puis il me fit mieux connaître le milieu associatif qu'il avait beaucoup fréquenté y compris pour me mettre en garde vis-à-vis de ses limites mais aussi pour me mettre en garde contre des initiatives " extérieures " au langage souvent radical qui, - la suite lui donna raison - lui semblaient suspectes ...Tout cela me fut d'une aide précieuse dans l'exercice de ma fonction.

Un mot sur le Maroc

Notre militance commune ne s'est pas limitée à la Palestine. Le Maroc est restée aussi notre préoccupation commune. Je me souviens qu'en 1981 à l'arrivée de la gauche au pouvoir et apprenant qu'un voyage de F.Mitterrand au Maroc était imminent, nous sommes allés à l'Elysée voir celui qui devait être son chef de cabinet -Delay- pour demander l'intercession du Président pour la libération d'Abderrahim Bouabid alors secrétaire de l'USFP. En 1985 nous décidâmes ensemble d'organiser un colloque de travail sur les relations France-Maroc qui nous semblaient n'avoir guère changé. Le dossier ainsi constitué a été particulièrement dense avec des contributions de qualité : Jean Dresch, R.Fosset, R.Gallissot, JP Hébert. Pour ma part je développais la question délicate des rapports stratégiques entre la France et le Maroc. " France-Maroc : Continuité ou changement ? " Tel était le titre de ce dossier qui , plus de 30 ans après, ne paraît pas dépassé...

En conclusion je ferais une dernière remarque , personnelle celle-là. L'informant de la mort de ma mère et sachant l'attachement que je lui portais, il m'envoya une carte très touchante dont je garde un souvenir lumineux. J'ai perdu un ami, un grand ami.


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